Au Congo, le charbon écologique à base d’ordures ménagères est lancé

28 juin 2021

Charbon bio

Faire du charbon bio avec des ordures ménagères de toute nature, c’est le pari qu’un jeune a lancé à Pointe-Noire. En plus du faible impact environnemental du produit, l’initiative permet de recycler les déchets ménagers qui inondent les rues de la ville.

Pointe-Noire, dans le sud du Congo, est une ville où la gestion des ordures ménagères est particulièrement compliquée. Certains des quartiers de la ville sont difficiles d’accès pour les équipes d’entretien de la société Averda, laquelle a la charge de l’entretien de la ville. Il n’est pas donc rare d’y croiser des piles de restes alimentaires, de légumes ou autres déchets en attente d’être ramassés.

Comment réutiliser ces déchets tout en protégeant l’environnement ? un jeune sorti de l’Université Marien Ngouabi de Brazzaville apporte une réponse en créant un nouveau type de charbon 100 % écologique.

"Quand ils sont arrivés avec ce charbon en leur disant, 'ce sont vos ordures', les habitants de Pointe-Noire n’en revenaient pas !"

Découvert lors de la caravane sur l’innovation organisée par le PNUD en 2019, Destin BIBILA est le porteur de ce projet qu’il a dénommé « WUMELA » qui signifie ‘durable’ en lingala, l’une des langues les plus parlée en République du Congo. Ce projet consiste à convertir les déchets ménagers en bio charbon et source de revenus.

Destin est parti d’un constat selon lequel les ménages de la ville de Pointe-Noire ont toujours recours au bois de chauffe et charbon de bois comme source d’énergie, selon   le rapport publié par la Coordination Nationale REDD en Octobre 2014,  « 61,1% des foyers utilisent le bois et charbon de bois comme source d’énergie ». Le problème est que cela est une des causes de la déforestation des forêts dans les zones proches des grandes villes au Congo, car les bois sont souvent soit découpés, soit brûlés directement dans la forêt pour faire du charbon de bois. Il y a également ces tas géants de poubelles qui pullulent à Pointe-Noire. C’est dans l’idée de résoudre ce problème que Monsieur BIBILA a mis en place cette solution.  

En voulant mieux comprendre cette initiative nous avons , au niveau du AccLab, engagé une série de discussions avec les différents acteurs autour de celle-ci. Nous sommes parvenus à la décision qu’il fallait conduire un processus d’expérimentation pour comprendre ce qui fonctionne et ce qui nécessite des améliorations.

Une expérimentation menée par AccLab du PNUD Congo et ses partenaires nationaux

Quand nous avons décidé de mener une expérimentation sur cette solution, la première idée était celle de rechercher des partenaires avec lesquels nous devrions conduire ce processus. C’est ainsi que nous nous sommes rapprochés de l’Institut National de Recherche en Sciences de l’Ingénieur, Innovation et Technologie (INRSIIT) qui dispose en son sein d’un département (de recherche) sur les énergies renouvelables, avec lequel nous avons échangé dans l’ambition de l’associer. A la suite des échanges nous avons élaboré une feuille de route qui a permis de conduire ce processus d’expérimentation.

Ce dernier a débuté par une mission à Pointe-Noire où nous avons ensemble, avec l’équipe de Monsieur BIBILA, travaillé pour reproduire le procédé.  A cet effet, nous avons tous retroussé nos manches, et avons effectué le tour des marchés et des décharges avec une équipe de manutentionnaires pour ramasser toute sorte de déchets : épluchures de bananes, feuilles de maniocs, restes alimentaires etc.

Ce travail a pris une journée entière, Il a fallu ensuite sécher les déchets au soleil pour qu’ils perdent le maximum d’eau. Puis s’en est suivi la carbonisation et le broyage des matières carbonées qui seront par la suite malaxées avec des additifs (Argile ou Amidon) pour avoir un ensemble homogène qui passera au moulage et sera soumis à un séchage naturel pour finaliser le processus.

Après cette phase nous avons pris quelques échantillons de briquettes que nous avons ramené au laboratoire à Brazzaville afin de mener une étude comparative avec le charbon de bois, traditionnellement utilisé par les ménages. Ces analyses ont porté sur les éléments suivants : le temps de prise de feu, le temps de cuisson, le temps de consumation et la résistance à l’écrasement. Afin de comparer ces éléments, nous avons utilisé comme plat: le haricot. il s’agissait de cuire 400g de haricots avec deux sources d’énergie différentes en gardant la même quantité de charbon, le même type de cuiseur et, la même quantité d’eau.

essQu’avons-nous appris ?

Ce charbon a plusieurs avantages. Avec 2kg d’échantillons des briquettes du charbon biologique et de bois, nous avons cuit 400g de haricots par cuiseur. Il découle de cette expérience que les bio charbons s’avèrent être plus intéressants dans le sens où ils sont plus énergétiques en termes de consumation (environ deux fois plus) que le charbon de bois. il sont moins salissant, et donc dégagent moins de CO2, cause du changement climatique., Enfin, cerise sur le gâteau, il est moins cher pour le consommateur car un kilo ne coûte que 200 francs CFA (0,34 USD) contre environ 400 (0,68 USD) pour du charbon de bois.

Les perspectives du laboratoire

L’initiative n’est pour l’heure, pas encore viable, même si le promoteur avoue avoir d’importantes commandes au-dessus de ses moyens de production, principalement de restaurants et hôtels de la place. 

L'engagement d'acteurs clés du secteur tels que; les autorités municipales, l’administration publique en charge des forêts et de l’environnement , les acteurs du secteur privé, les ONG dans le domaine de développement, les centres de recherche et les partenaires techniques et financiers est necessaire afin d’élever le niveau de discussions et explorer les possibilités d’intégration de cette solution dans diverses actions de gestion des déchets et de lutte contre la déforestation en République du Congo.

Par Arsene Saya, Responsable Expérimentation LAB Congo